Dans la métropole lilloise, le galeriste Eric Delecourt a élu domicile au sein d'une ancienne chapelle du 19ème siècle aux beaux volumes préservés mâtinés de touches scandinaves, qui sert d'écrin à sa collection d’œuvres d’art.
Depuis la rue, impossible de deviner que, derrière un portail ultra-moderne se cache une chapelle, nichée au cœur d'un ensemble de bâtiments transformés en résidence privative. « C'était un ancien couvent de bonnes soeurs » explique le collectionneur d'art et galeriste Eric Delecourt, tout en balayant du regard l'endroit. La chapelle privée des anciennes occupantes des lieux, édifiée en 1870, était restée dans son jus. Clin d’œil malicieux du destin, la nef avait depuis été occupée par un atelier d'artiste. Lorsque, il y a quelques années, cet ancien lieu de culte désacralisé est divisé en deux parties et mis en vente, Eric Delecourt, qui ne dispose pas d'un lieu d'exposition physique pour ses deux galeries on-line, DTTH et Acid Gallery, est à la recherche d'un espace de stockage pour ses œuvres d'art, dont de très grands formats. Dès les premières visites, c'est le coup de cœur. « Cela n'a pas résolu mes problèmes de stockage, mais j'ai gagné un lieu de vie qui me plaît beaucoup » sourit cet amoureux des belles choses, séduit par la lumière particulière qui baigne les lieux, et son calme. A deux pas d'une artère passante de la métropole lilloise, la chapelle est prolongée par un parc, et est en effet un véritable havre de paix.
On y entre par la cuisine. Minimaliste avec ses éléments noir mat et son mur d'ardoises anthracites façon déstructurée, la pièce est réchauffée par un vaste plan de travail en noyer américain. Un sens de l'épure surtout pas aseptisé, qui préfigure le reste de la visite de cette chapelle muée en habitation avec supplément d'âme. Une porte en ogive, avec menuiserie d'époque, s'ouvre en effet sur le vaste espace à vivre. Ici, autrefois, était un autel et sa nef. Leurs dimensions intactes, dont des plafonds perchés à 10 mètres de haut, frappent d'emblée. « Je possède des œuvres d'art de grande taille, ou volumineuses. Dans cette pièce, elles prennent toute leur ampleur » se réjouit le collectionneur nordiste. « Je n'ai quasiment pas touché à la structure des lieux » explique-t-il. Aucune cloison ou mezzanine ne vient ainsi dénaturer l'architecture originelle du 19ème siècle. Mais malgré la quasi démesure de ses proportions, Eric Delecourt, qui a imaginé lui-même la disposition et la décoration, dans les moindres détails, de sa chapelle, a réussi à y délimiter des espaces cosy, avec chacun leur usage. Un sol en béton ciré sombre apporte de l'unité et a permis d'installer un chauffage au sol.
"J'ai gagné un lieu de vie qui me plaît beaucoup"
En lieu et place de l'autel, un vaste salon pour recevoir ou se dĂ©tendre, sur lequel veillent deux très grands formats signĂ©s Philippe Pasqua. En contrebas, sous la nef, une longue table centrale pour prendre les repas et travailler. Dans sa continuitĂ©, presque dans un recoin, un second salon, plus intimiste, organisĂ© autour d'une bibliothèque sur mesure noir mat, dont les rayonnages sont chargĂ©s de livres d'art. La bibliothèque encadre une ouverture horizontale sur le parc, seule infraction, ou plutĂ´t concession, Ă la règle que s'est fixĂ©e le propriĂ©taire de composer avec l'existant. Cette dernière permet surtout d'apporter une vue : pour le reste, la lumière provient de vitraux haut-perchĂ©s. « Les vitraux d'origine ont disparu. Ceux-ci datent des annĂ©es 50 ». Un petit anachronisme qui n'a pas rebutĂ© le gĂ©rant de DTTH et Acid Gallery. Au contraire, il tombe Ă pic. « J'avais dès le dĂ©but la volontĂ© de meubler cette pièce avec du mobilier scandinave de cette Ă©poque » explique-t-il. Tek, palissandre, noyer amĂ©ricain ...Â
Avec leurs tons riches, les essences de bois des pièces chinĂ©es rĂ©chauffent l'atmosphère, Ă l'instar des tapis et des Ă©toffes choisis pour les canapĂ©s : masculins et confortables. Le galeriste a le sens du style : son intĂ©rieur Ă©lĂ©gant mais accueillant cultive une vraie personnalitĂ©. Eric Delecourt, en dĂ©coration comme en art, fonctionne au coup de foudre, raisonnĂ© par une culture du beau solidement Ă©tayĂ©e. Des pièces rares, comme de sublimes Ă©tagères modulables par Webe Meubelen ou une enfilade racĂ©e signĂ©e Ib Kofod-Larsen, voisinent avec un luminaire dessinĂ© par Starck et une table ... Ikea.Â
Mais Ă©videmment, ce qui transcende la singularitĂ© de ce très rĂ©ussi mix and match d'Ă©poque et de style, ce sont les Ĺ“uvres d'art du collectionneur, omniprĂ©sentes.Â
Ca et là , une sculpture de Lena Malevitis, une toile d'Antony Tapiero, des « Toys » d'artistes, ou une peinture de Alexandre Wirth sont mis en valeur dans cet espace-écrin mi-lieu de vie, mi-galerie. C'est d'ailleurs chez lui qu'Eric Delecourt reçoit ses clients. Pour preuve, les tableaux entreposés contre un mur. « Il y a peu de frontières entre ma vie professionnelle et ma vie privée » avoue-t-il. Cela pourrait bien changer : cet automne, Eric Delecourt devrait ouvrir une galerie avec pignon sur rue, dans le Vieux-Lille.