Dans cette interview exclusive, Jean-Philippe Coache, architecte basé à Lille, nous ouvre les portes de l’un de ses projets les plus audacieux, situé à Mouvaux, dans le nord de la France. Derrière ses lignes épurées et son esthétique brute, la villa Masquet cache un travail minutieux d’équilibre entre matériaux, volumes et lumière. l’architecte nous livre les coulisses d’un chantier de quatorze mois, mêlant tradition et modernité, et nous dévoile son approche créative pour répondre aux attentes de ses clients tout en poussant les limites de l’architecture contemporaine.
Textes : Thibault Roy
Photographie : ©Damien Dolle
Comment s'est déroulé le processus créatif pour ce projet à Mouvaux ? Pouvez- vous nous expliquer les étapes, de la première rencontre avec le client jusqu'à la réalisation finale ?
Dès les premières discussions, les maîtres d’ouvrage ont affiché une volonté de construire une maison contemporaine mais ils ne souhaitaient pas une architecture trop épurée ou trop impersonnelle. Pour répondre à leurs attentes, nous avons beaucoup travaillé sur l’équilibre entre matières. Ainsi, béton banché, terre cuite, aluminium anodisé et chêne clair se côtoient dans cette villa. Une forme de radicalité est assumée dans le dessin des volumes et des ouvertures, une position que les clients ont vite acceptée.
Quatorze mois de travaux ont permis la construction de la villa Masquet. Pour obtenir le résultat escompté, il y a un suivi laborieux nécessaire de la part de notre équipe mais il y a également une grande part de responsabilités et un savoir-faire de nos artisans partenaires notamment sur les maçonneries des façades extérieures.
Quelle a été l'inspiration derrière ce concept de murs en briques perforées laissant filtrer la lumière ? Comment avez-vous géré l'équilibre entre esthétique et fonctionnalité, surtout en murant les ouvertures des fenêtres ?
Ces maçonneries ajourées sont nommées « moucharabieh ». Historiquement, le moucharabieh était constitué de petits morceaux de bois tournés et assemblés qui permettaient non seulement de garder la fraicheur du bâtiment, de conserver l’eau fraiche mais aussi de voir sans être vu. Au nord, la bâtisse se présente comme un monolithe, succession d’empilements de longs blocs de terre cuite qui appuient une horizontalité. D’apparence hermétiques, ces façades laissent en réalité passer une lumière filtrée et un air rafraîchi par les discrets moucharabiehs. Au sud, la façade s’ouvre largement sur un jardin et vient créer l’équilibre. Le soir, elle laisse entrer un soleil rasant qui traverse tous les espaces et dévoile le relief du béton brut et des parois verticales en bois.
"D’apparence hermétiques, ces façades laissent en réalité passer une lumière filtrée et un air rafraîchi par les discrets moucharabiehs"
La cuisine, avec ses plafonds en béton et son sol en grès étiré flammé, dégage une esthétique très brute. Pourquoi avoir opté pour ces matériaux, et comment avez- vous trouvé l'équilibre avec les autres espaces plus colorés de la maison ?
Le plan du rez-de-chaussée s’articule autour d’un grand meuble central habillé de chêne clair. Ce mobilier fixe s’ouvre et permet la liaison avec l’étage. Le choix des matériaux a été guidé par cette logique de plan. Le grès étiré flammé du sol intérieur se poursuit sans obstacle vers la terrasse extérieure, permettant ainsi au paysage direct de pénétrer dans les espaces de vie.
Les salles d’eau quant à elles, sont volontairement plus colorées. Leurs fonctions nécessitent des matières moins brutes et plus lisses. La monochromie choisie pour chacune d’entre elles ainsi que le petit format des faïences est un clin d’œil aux années 50.
Le bleu vif pour l'escalier contraste fortement avec le reste de la maison, tout comme ces salles de bain colorées inspirées des années 50. Pourquoi ces choix audacieux ?
Le bleu qui tapisse l’intérieur du volume central en bois marque le passage vers l’étage. On passe d’une architecture assez brute au rez-de-chaussée, à une atmosphère plus feutrée à l’étage avec des espaces aux échelles plus petites. Bien que né dans les années 50, le bleu Klein est une couleur intemporelle. J’aime l’idée que quand on entre dans ce volume en chêne clair, on change d’ambiance.
Où vous vous fournissez pour tous les matériaux de vos salles de bains, cuisines et espaces de vie ? Pourquoi ?
La réussite d’un tel projet réside aussi dans l’entente entre fournisseurs, artisans et architectes. Quarade carrelages est notre partenaire privilégié depuis de nombreuses années pour la fourniture des matériaux des murs et des sols de nos projets. Nous les mettons régulièrement au défi de trouver de nouveaux échantillons pour aller toujours plus loin dans nos réflexions, un exercice qu’ils acceptent volontiers.
Pour la pose qui nécessite rigueur et patience, nous travaillons avec des entreprises locales expérimentées comme John Dujon mais également des entreprises belges comme Grey Color.