Le monde merveilleux de Jigé
Julien Gaquère, Alias Jigé, est un jeune artiste roubaisien né en 1987. Il maîtrise à la perfection le Doodle, cet art spontané auquel il s’adonne depuis bientôt 10 ans. Son univers coloré et loufoque, fait d’accumulation de personnages fictifs, nous replonge dans l’insouciance et l’imaginaire de l’enfance. Portrait.
Bonjour Jigé. Peux-tu te présenter ? Quel est ton parcours ?
Je m’appelle Julien, j’ai 35 ans, je suis artiste plasticien. Il y a 5 ans, j’ai choisi de quitter mon job pour me consacrer à ma pratique artistique. Jusque là, je travaillais dans le commerce en passant mon temps libre à dessiner. Cette décision un peu folle a été un un tournant important et le début d’un alignement personnel et professionnel, sans contrainte ni cadre. Je me suis lancé de façon intuitive, les débuts étaient un peu anarchiques, je n’avais pas vraiment de repères. Puis avec le temps j’ai approfondi mon univers et eu la chance d’avoir le soutien de fidèles collectionneurs. J’ai réussi à établir progressivement une méthodologie de travail qui correspond à ma personnalité et me permet de ne pas me limiter artistiquement. Aujourd’hui je vis entre Roubaix et L’isle-sur-la-Sorgue dans le Vaucluse. Dans le Nord j’ai un atelier où je travaille des toiles grands formats à l’acrylique et au posca. Dans le Sud, je me consacre plutôt au dessin et à mes travaux de recherches. Depuis le début d’année j’expérimente des techniques plus traditionnelles comme l’aquarelle. Le TGV est devenu un troisième lieu de travail que j’apprécie beaucoup. J’y travaille au calme sur Ipad pour toutes les créations numériques et pour trouver de nouvelles palettes de couleurs.
Peux-tu expliquer à nos lecteurs ce qu’est le Doodle Art ?
“Doodle” signifie en anglais “gribouillage”. C’est de l’écriture automatique sous forme de dessins exécutés de manière simplifiée et rapide. Je prends souvent en exemple le dessin que l’on fait sur un bout de papier lors d’une longue conversation téléphonique. Il y a un mouvement artistique qui se revendique “doodle art”. Même si mes débuts sont évidemment liés à cette esthétique, aujourd’hui je me sens assez éloigné du doodle. Je réfléchis longuement aux compositions et j’utilise des procédés mathématiques et des schémas pour structurer l’ensemble. Je travaille également la partie narrative pour les plus grands formats et consacre de plus en plus de temps à trouver l’équilibre des couleurs pour construire une harmonie qui fonctionne. Disons qu’au moment de dessiner, le tracé et l’intention première est assez spontanée, c’est ce qui reste du style doodle, mais mon approche générale n’a plus rien du gribouillage.
Quel est ton processus de création ?
Des cahiers remplis de dessins, de notes, des mémos à gogo dans mon téléphone, des photos d’inspirations, des situations qui retiennent mon attention ou me font rire. Tout ça en continu, quotidiennement. Et un jour ça “POP”. Je travaille également sur des projets de commandes sur mesure, plus personnels. Dans ce cas, je rencontre les futurs acquéreurs, nous discutons d’eux, de leur famille, nous construisons le projet ensemble pour qu’il raconte une histoire qui fait écho à leur vécu. Avec tous ces éléments je compose une œuvre unique avec de nombreux détails cachés. Ce type de projets est toujours un défi car il faut que je me sente libre et libéré pour pouvoir créer correctement tout en respectant l’histoire qui m’est confiée.
Ton univers est coloré et régressif à la fois, faisant écho joyeusement à une enfance insouciante. Quel est le message que tu souhaites faire passer à travers tes dessins et tes œuvres ?
J’ai eu une enfance heureuse, effectivement insouciante, j’ai toujours fait le “pitre”. Puis les nombreuses années passées dans le commerce à côtoyer une foule de personnes aux profils différents font de moi un observateur curieux du genre humain. Je crois que tous ces visages croisés trouvent une place aujourd’hui dans mes œuvres. Les expressions, les attitudes sont souvent un point de départ pour créer un univers graphique. Il n’y a pas de message à dénicher au-delà de la dérision que je porte sur les choses qui nous entourent.
Tu es papa d’une petite fille qui a 6 ans. Il vous arrive de dessiner ensemble ? Est-ce aussi pour toi une source d’inspiration ?
Oui, il nous arrive de dessiner ensemble lorsqu’elle en a envie. Je ne la pousse pas à dessiner particulièrement. Mais il nous arrive de faire des “Feats” Zoé x Papa. Ce qui est bien quand tu as un enfant de cet âge là c’est de rester connecté avec ton enfant intérieur. J’ai des souvenirs qui ressurgissent. Je me souviens de ce que j’aimais quand j’avais son âge. On adore les livres de “Cherche et trouve”, hyper fouillis, pleins de détails.
Parle-nous de cette collab avec Piergab Pichon et la construction de ce cube géant de 3x3m, décor qui a servi à réaliser l’édito mode et la couverture de ce numéro.
C’est grâce à Issi Magazine que j’ai rencontré Pierre lors de ma participation à l’ouvrage collectif Coron[ART]virus, pendant le premier confinement. J’ai beaucoup aimé ses photos et lui mon univers. Nous avons collaboré à l’occasion d’un premier shooting il y a un an et demi pour le lancement d’une collection de vêtements éphémères que j’avais créée. Un jour il m’a montré une photo avec un fond entièrement coloré qui lui a beaucoup plu. J’ai demandé l’aide d’un ami compagnon charpentier pour réaliser un cube géant pouvant accueillir une balançoire, comme le souhaitait Pierre. Pendant plusieurs semaines j’ai dessiné et peint cette structure. Pierre a, quant à lui, réuni une équipe artistique motivée par ce projet et nous avons très vite pu réaliser ces photos incroyables et pour le moins enivrantes. J’ai hâte de retravailler avec lui, cela m’a permis de travailler sur des formats hors normes en se projetant dans une mise en scène originale.