40 ans de Street Art à la Condition Publique de Roubaix
Une expo riche
Magda Danysz, ce nom ne vous dit peut-être rien ? Elle est pourtant celle qui a vivement participé à la démocratisation des graffitis dans les galeries d’art Françaises. Aujourd'hui commissaire de l'exposition « Street Generation(s), 40 ans d'art urbain », c’est grâce à cette galeriste ainsi qu’au soutien de la Fondation Crédit Mutuel Nord Europe que vous pouvez venir tout apprendre du Street Art à La Condition Publique de Roubaix.
De sa genèse à ses précurseurs en passant par ses artistes emblématiques, l’exposition retrace la manière dont le mouvement s’est répandu dans le monde, comment le graffiti a fait ses premiers pas dans Paris, l’avènement du message et du contexte, et des informations détaillées sur les techniques prisées du Street Art comme le pochoir ou les diverses écritures du monde.
Dès les premières minutes, que l’on se trouve à l’intérieur ou à l’extérieur, l’univers coloré et militant dans lequel nous pénétrons donne comme l’effet d’une agréable gifle. Car oui, c’est ça le Street Art, au delà du fait qu’il est assurément le mouvement artistique le plus important de la fin du XXème siècle et du début XXIème, il est surtout riche d’histoire et de puissants symboles. Le principe « dehors/dedans » en fait majoritairement partie : les premiers graffitis à base de noms et surnoms peints sur les murs voyaient le jour dans les années 1970 et 1980. Puis dans les années 1990, le concept s’est rapidement transformé en un besoin de s’exprimer, de crier des choses, de se révolter à travers l’art. Pour ça, rien de mieux que le pochoir ou le collage d’affiches, bien visibles aux yeux de tous dans les rues. Avant même d’entrer dans La Condition Publique, un avant-goût signé Ludo orne la façade : la pièce représente un oiseau de papier revisité en avion de chasse, constitué de bombes et de canons. De quoi donner le ton !
Ce sont à l’aide d’artistes comme Banksy ou Crash que l’art urbain est passé d’art de rue à art muséal, décrédibilisant totalement le premier aspect «délinquant» du style. Pour preuve, certaines oeuvres se sont vues grimper à des prix monumentaux aux enchères… Magda Danysz l’a bien compris et sait qu’aujourd’hui, le public est particulièrement sensible au Street Art, dans son format initial ou en galerie. « Street Generation(s) » rend alors délicieusement hommage aux deux.
Un panel d’artistes impressionnant
Plus on déambule, plus on en prend plein les mirettes. Jef Aérosol, Banksy, Obey, Clash, Futura, Vhils, la liste est longue. 50 artistes de renom, pour être exact. L’occasion de rappeler d’ailleurs que le Street Art ne s’est pas implanté qu’à New York ou à Paris, nombreux sont ceux qui proviennent du Nord-Pas-de-Calais, mais du reste du monde aussi.
L’expo démarre donc avec Jacques Villeglé et Gérard Zlotykamien, ainsi que Keith Haring subtilement placé à côté. Une introduction au mouvement est indiquée dès l’entrée, comme ça, nous savons directement à quoi nous avons à faire (ce qui est plutôt plaisant en plus d’être instructif). Toute l’après-midi se déroulera alors de cette manière : une toile de A-One, une explication. Un pochoir de Blek le rat, un nouveau chapitre. C’est intéressant, beau, et ça s’étend jusque sur les toits. Et oui, nous vous parlions de l’importance de l’art outside, et bien Magda Danysz ne s’est pas contenté de le représenter uniquement sur les murs des rues adjacentes ! On adore l’idée qui nous rappelle toutes ces fois où nous avons levé les yeux aux ciels pour apercevoir un graffiti à un endroit saugrenu, tel qu’un pont ou le haut d’un building.
Vous l’aurez compris, n’hésitez pas à aller partout ou vous semblez pouvoir vous rendre, même dans le quartier où se trouve par exemple un mur signé Vhils ou encore les renversants portraits de SDF de C215. Directement dans une des cours de l’expo, vous trouverez la voiture de JonOne, avec la phrase «Fuck Your Wall» qui semble évoquer l’accident mais qui est en réalité directement adressé à Donald Trump. Rappelons que la critique sociale est un axe central de l’art urbain : parmi l’exposition, Liquidated MCDonald’s de Zev’s, Women Are Heroes de JR ou Break The Walls de Psyckoze (avec son très explicite «Tous les jours j’écris sur les murs pour la liberté d’expression» par dessus une reproduction de La Liberté guidant le peuple de Delacroix) en sont quelques unes des nombreuses preuves.
En bref, on a adoré «Street Generation(s)» qui résume parfaitement ces 40 années d'art urbain. Si vous ne savez pas quoi faire ce samedi, foncez ! On ne s’ennuie pas une seconde, c’est didactique en plus d’être esthétique, et si vous aimez la musique hip-hop, c’est le fond sonore choisi pour rythmer votre visite. (Pas trop fort bien sûr, le but n’est pas de vous interrompre pendant que vous argumentez sur les oeuvres !)
Il vous reste encore 2 mois pour en profiter, l’expo se termine le 18 juin et est gratuite pour les moins de 18 ans. Pour les adultes, elle va de 3 à 5€ selon conditions. N’attendez pas plus longtemps !